Tout savoir sur la Garde Alternée (et ce qui pourrait changer…)

Temps de lecture : 8 min

La garde alternée est un mode de garde qui implique une alternance de résidence de l’enfant aux domiciles de ses deux parents.

La garde est considérée comme alternée à partir du moment où le nombre de jours passés chez l’un et chez l’autre parent est à peu près équivalent sur une période donnée.

Cette garde peut par exemple être alternée sur deux semaines (une semaine chacun ou 6 jours/8 jours ou sur une période plus longue de un mois (deux semaines chacun)…

Ce mode de garde sera ordonné par un juge aux affaires familiales et la procédure est différente selon que le couple est marié ou non.

Pour les couples non mariés

Concernant les couples non mariés (PACS/concubinage), une requête sera déposée par l’un ou l’autre des parents, ou conjointement par les deux parents auprès du tribunal compétent.

Cette requête peut être faite sur un formulaire prévu à cet effet ou par le biais d’un avocat que les parents choisiront pour les représenter (commun ou individuel).

Il peut s’agir d’une requête en fixation des modalités liées à l’autorité parentale (en cas de premier passage devant le juge) ou d’une requête en modification des modalités liées à l’exercice de l’autorité parentale (si volonté de modifier des mesures qui ont été fixées initialement).

Pour les couples mariés

Dans le cas des couples mariés, une requête en divorce sera présentée à un juge aux affaires familiales qui convoquera les époux pour une audience de conciliation. Cette requête sollicitera du juge qu’il statue sur des mesures provisoires ayant vocation à s’appliquer entre l’ordonnance de non conciliation et le jugement définitif de divorce.

Ces mesures provisoires concernent aussi bien les conjoints que les enfants.

La procédure pour une Garde Alternée

Au stade de l’assignation en divorce, des mesures définitives concernant les enfants pourront être sollicitées et le juge statuera sur les demandes de chacun des époux dans le jugement de divorce.

Dans le cas particulier d’un divorce amiable (par acte d’avocat), une convention unique fixera les mesures définitives concernant les époux et les enfants.

Une fois le couple divorcé, une requête en modification des mesures liées à l’autorité parentale pourra toujours être déposée devant le juge aux affaires familiales, si des circonstances légitimes ces modifications.

Lorsque le juge est saisi d’une requête/assignation en divorce ou d’une requête en fixation/modification des modalités liées à l’exercice de l’autorité parentale, il doit faire primer l’intérêt de l’enfant dans l’établissement de tel ou tel mode de garde.

La garde alternée pourra être ordonnée si elle va dans le sens de l’intérêt de l’enfant. Le juge prendra sa décision en fonction de l’âge de l’enfant, de la proximité des domiciles entre eux/ du lieu de situation de l’école fréquentée, des conditions dans lesquelles les parents peuvent recevoir l’enfant et de sa capacité à se sentir épanoui avec cette organisation.

Le juge pourra être amené à entendre l’enfant dans le cadre de la procédure, à partir du moment où il est doué de discernement. Il faut savoir que les propos de l’enfant ne sont pas décisifs pour le juge qui ne fait que recueillir son témoignage et qui devra le confronter à tous les autres indices en sa possession.

Le point de vue de l’avocat

D’après mon expérience, les juges aux affaires familiales n’ordonnent quasi jamais de garde alternée avant que l’enfant ne soit entré à la maternelle, c’est-à-dire en dessous de 3/ 4 ans.

La proportion de décisions de garde alternée en dessous des 7/8 ans est faible.

Par rapport aux domiciles des parents et au lieu de situation de l’école, le juge devra vérifier si les domiciles sont à proximité l’un de l’autre et à proximité de l’école.

Si les domiciles sont trop éloignés, la garde alternée se révèlera de toute manière compliquée car il arrive souvent que des affaires soient oubliées chez l’un ou l’autre des parents ou que l’enfant doive passer prendre aux domiciles de ses parents des affaires en urgences.

Si les domiciles sont trop éloignés de l’école, encore une fois, le juge ne voudra pas imposer à l’enfant des trajets trop longs ou trop fatiguant pour lui et préférera un autre mode de garde moins contraignant pour l’enfant.

L’audition de l’enfant, si elle a lieu, peut également permettre au juge de déceler  une quelconque fragilité de l’enfant qui a éventuellement besoin de repères fixes et stables au domicile d’un de ses parents et pour qui l’alternance ne serait pas opportune. Plus encore que ses paroles, l’attitude de l’enfant auditionné peut-être un indice pour le juge.

Pour être certain que sa décision ira dans le sens de l’intérêt de l’enfant et si des doutes subsistent, le juge peut ordonner d’office certaines mesures (les parties peuvent également le demander) afin de se faire une idée plus précise des conditions d’accueil de l’enfant. Il s’agit d’une enquête sociale, d’une enquête médico-psychologique ou psychiatrique.

Un dernier facteur sera déterminant dans la décision de mise en place d’une garde alternée : le degré d’entente et de communication entre les parents.

En effet, si l’on part du principe que dans le cas d’une garde classique (résidence fixée chez l’un des parents et droit de visite et d’hébergement d’un week-end sur deux et la moitié des vacances pour l’autre) la communication entre les parents est primordiale dans l’intérêt des enfants, la mise en place d’une garde alternée nécessite de façon encore plus importante une communication facile et une entente entre les parents.

Cette entente doit être de nature à permettre à l’enfant d’évoluer dans un contexte où chaque parent est un référent à part entière et où il est facile pour lui de « naviguer » entre les deux domiciles.

Dans la pratique, cette entente suffisante est recherchée mais il arrive parfois que le magistrat ordonne une garde alternée alors même que les parents sont en conflit ouvert.

Même si chaque magistrat applique un faisceau d’indice identique pour vérifier si une garde alternée est « compatible » avec l’intérêt de l’enfant, certains indices apparaitront plus importants que d’autres aux yeux du magistrat qui prendra la décision.

La conviction du magistrat pour cette formule d’alternance est également un élément décisif dans sa décision.

L’avocat choisi pourra, grâce à son expérience auprès des différents tribunaux, vous indiquer la proportion de décisions favorables ou non à une garde alternée qu’il a obtenues devant tel ou tel tribunal. En effet, les magistrats n’ont pas tous  la même manière de juger ces dossiers et certains sont plus favorables que d’autres à cette alternance de domiciles.

Il est à noter que lorsqu’une décision ordonnant une garde alternée est rendue alors que vous ne le souhaitiez pas ou si vous vouliez voir ordonnée une telle garde et qu’un autre mode de garde est ordonné par le juge aux affaire familiales saisi, vous avez toujours la possibilité de faire appel de cette décision devant la Cour d’Appel compétente.

D’après une étude de l’INSEE parue le 4 février 2015, la garde alternée ne concernerait qu’un enfant sur six (15%) mais est en constante augmentation puisque la part d’enfants mineurs pour lesquels une résidence alternée a été prononcée était de moitié en 2003.

L’INSEE constate que la garde alternée est plus adoptée dans les familles dites « aisées » car ce mode de garde oblige les parents à avoir chacun un domicile suffisamment spacieux pour accueillir les enfants.

La proportion d’enfants en garde alternée varie également d’un département à l’autre en fonction des différences socio-économiques entre départements, de différences de conditions du marché immobilier mais aussi de « possibles pratiques différenciées des tribunaux départementaux » d’après l’INSEE.

Ce qui pourrait changer pour la Garde Alternée…

Pour finir et concernant l’actualité relative à la garde alternée, le député Philippe Lacombe (MoDem) a déposé une proposition de loi relative « au principe de garde alternée des enfants » rapidement rebaptisée proposition de loi relative « à la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents » après son passage en commission des lois le 22 novembre dernier.

Cette proposition qui visait initialement a développé, voir imposé la garde alternée comme étant « le principe » est maintenant rédigée de la manière suivante : « La résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents selon les modalités de fréquence et de durée déterminées par accord entre les parents ou par le juge » et envisage qu' »à titre exceptionnel, le juge puisse fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des parents »

Après de vive critiques venant de droite comme de gauche, le texte a été « vidé de sa substance » en commission des lois et certains déplorent que la nouvelle rédaction ne fait apparaitre la garde alternée que comme une première option si elle est faisable. Aucune fréquence ni durée ne sont déterminée.

Aucun partage égalitaire des résidences n’est imposé, la nouvelle rédaction de la proposition de loi n’aboutirait donc qu’à fixer deux résidences dites « administratives » de l’enfant sans évoquer de fréquence de répartition effective du temps que passe l’enfant dans chacune des résidences.

Les associations de défense des femmes victimes de violence et de défense des droits des pères dénoncent l’impact négatif pour les uns ou pas assez significatif pour les autres de cette proposition.

Le texte va entamer maintenant sa navette parlementaire mais en cas d’adoption, n’entrerait pas en vigueur avant 2019.

La garde alternée n’a pas fini de faire couler de l’encre…

Publié par Maya Léonard

Maître Maya Leonard est avocate au Barreau de Paris, membre et fondatrice du réseau Lead. Elle exerce pour l'intérêt de ses clients dans le cadre de leur divorce ou séparation, qu’il s’agisse de problématiques relatives à la liquidation du régime matrimonial, à la garde des enfants ou à la pension alimentaire ainsi qu’aux violences conjugales. Elle exerce par ailleurs en tant que Médiatrice Familiale. http://www.lead-avocats.com/

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